Atelier 4 : Stratégie Bas-Carbone

Développer des activités compatibles 2050.

5 min readJan 31, 2021

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Construire une stratégie bas-carbone ne se limite pas à réduire son bilan carbone.

Tout comme un audit comptable n’est pas une stratégie business, un bilan carbone n’est pas une stratégie bas-carbone.

Le bilan carbone d’une entreprise en 2020 dit peu de choses de sa place dans une société en 2050 respectant l’Accord de Paris. C’est une photo à un moment précis de ses émissions. Il fournit de nombreuses informations importantes mais ne répond pas à la même question qu’une stratégie bas-carbone. Par exemple, il ne vise pas à déterminer “De combien faut-il réduire l’empreinte carbone de mon entreprise ?”

Un bilan carbone offre une vision incomplète des émissions dont dépend l’entreprise et auxquelles elle participe.

Les émissions indirectes du scope 3 ne sont pas incluses dans de nombreux bilans carbone alors qu’elles peuvent représenter jusqu’à 90% des émissions d’une entreprise comme le rappelle Alain Grandjean, fondateur de Carbone 4. La loi n’impose pas de les comptabiliser : elle ne fait que le recommander. Sur un sujet proche, Carbone 4 a lancé Net Zero Initiative suite aux nombreuses communications d’entreprises se proclamant “neutres en carbone”. Cette initiative vise à créer un nouveau référentiel de comptabilisation plus rigoureux et transparent.

Augmenter l’empreinte carbone d’une entreprise peut réduire les émissions à l’échelle de la société : contre-intuitif, non ?

Pour arriver à un budget carbone moyen de 2 t CO2e, les individus devraient prendre le train pour les voyages de moyennes et longues distances et réduire drastiquement voire cesser ceux en voiture et en avion. Le développement du voyage en train nécessiterait de construire et d’opérer de nouvelles lignes, plus de wagons et plus de locomotives.

Ces changements de comportement et d’infrastructures réduiraient les émissions à l’échelle de la société mais… augmenteraient les émissions des compagnies du secteur ferroviaire !

Des entreprises peu émettrices de GES mais incompatibles 2050 ?

Une entreprise internet de réservation de billets d’avion a un bilan carbone assez faible sur ses scopes 1 et 2. Il se compose principalement du chauffage et de la climatisation des bureaux, et de la consommation électrique des équipements informatiques. Ces entreprises comptant au maximum une centaine d’employés, quelques milliers pour les leaders mondiaux, les émissions du scope 1 et 2 ne vont pas chercher bien loin…

Cependant, cette entreprise dépend d’un transport aérien de masse. Or l’aller-retour Paris New York en avion émet à lui seul plus de 2 t CO2e par passager à lui seul (dont 1 t CO2 et plus d’1 tonne d’autres gaz à effet de serre). Dans une société 2050 respectant l’Accord de Paris, le nombre de vols serait extrêmement faible. Le trafic sur les sites de réservation risquerait lui aussi de décliner très fortement.

La probabilité serait grande que de nombreux sites de réservation de billets ne puissent plus être rentables, ou du moins opérer à la même échelle, avec le même volume d’activité qu’en 2020.

La Compatibilité 2050 d’une entreprise et son bilan carbone sont deux caractéristiques distinctes.

Alors comment mener une stratégie bas-carbone ?

Autre option : en positionnant son entreprise sur des marchés compatibles 2050 et en arrêtant les activités incompatibles 2050. Le défi climatique pousse à réfléchir à un avenir au budget carbone (très) contraint. Il faut choisir nos priorités, en fonction entre autres de nos besoins et du modèle de société que nous désirons construire ensemble.

Dans le cas d’une entreprise, il faut mener une analyse bénéfices-risques : quel est le projet, le service, la mission rendus par une entreprise à la société ? A quels besoins répond une activité ? Sont-ils de l’ordre de l’essentiel ou du superflu ? Les émissions et les risques associés sont-ils acceptables par la société ?

La question de fond n’est pas “Comment continuer à faire pareil en polluant moins ?” mais “Quels services rend une entreprise et dans quelle mesure l’entreprise participe-t-elle à un avenir collectif atteignant les objectifs de l’Accord de Paris d’ici 2050 ?”

Tirer le fil de cette question pousse à questionner de nombreux autres paramètres opérationnels : business model, culture d’entreprise, formation continue, choix des partenaires, déploiement opérationnel à l’international. Elle pose aussi des questions stratégiques et financières : quelles entreprises, quels investisseurs seraient prêts renoncer à des revenus, à supprimer des actifs aujourd’hui rentables mais incompatibles avec l’Accord de Paris ?

A vous de jouer #4 !

✍️ Identifiez les activités compatibles 2050 sur lesquelles votre entreprise pourrait se positionner pour participer à une société respectant l’Accord de Paris.

Cette stratégie peut se construire à l’échelle de l’entreprise et à celle d’un parcours professionnel.

Conclusions

  1. Construire une stratégie bas-carbone ne peut se limiter à réduire son bilan carbone : elle nécessite de considérer la place de l’entreprise dans la société toute entière et de mener une analyse bénéfices-risques des services qu’elle rend.
  2. Les transformations à mener pour construire une société respectant l’Accord de Paris sont gigantesques, voire peut-être impossibles. Les implications économiques de cet Accord représentent un défi entrepreneurial et managérial inédit : quelles équipes, entrepreneurs, investisseurs, dirigeants, politiques, auront l’ambition, la créativité et le courage de transformer leur organisation dans les faits, en construire de nouvelles, créer des récits collectifs nouveaux, qui donnent envie de participer à une société qui offre un avenir synonyme de progrès ?

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I help people and companies build a low-carbon economy, ESCP Affiliate Professor